Appelons-les Frankie et Johnnie, la petite trentaine, habitant Saint-Leu, 1,60 m à tout casser, sourds et muets. Face à ces deux dangereux délinquants, leur " victime ", Herbert, colosse placide, dépassant ses " tortionnaires " de deux bonnes têtes au moins.
Parce que ce sont bien ces deux petits messieurs qui étaient accusés de " violence en réunion ". Il est vrai qu’à partir de deux, on est en réunion. Brassens dirait " qu’on est une bande de … ", ce qui n’a rien à faire ici en l’occurrence.
Quatrième personnage à la barre, et non des moindres, le traducteur, qui officiait pour la 1è fois en qualité d’interprète. Ce monsieur, en quelques minutes, a administré aux ignorants, dont j’étais avant de le voir à l’œuvre, que le langage des signes n’est pas du tout quelque chose de simpliste. C’est même un système de communication très précis, très sophistiqué, très structuré. Dans lequel questions et réponses vont aussi vite que dans une conversation entre gens trop bavards comme vous et moi.
Frankie et Johnnie vivent de l’AAH (allocation adulte handicapé) et ne trouvent pas de travail. Pour échapper à l’ennui qui les ronge, ils reçoivent souvent (parfois plusieurs fois par semaine) leurs amis souffrant du même handicap. Pour jouer à des jeux vidéo.
Cela dure parfois jusqu’à des heures qu’un honnête ronfleur réprouve, deux, trois heures du matin. Mais ce ne sont pas les consoles de ces acharnés qui font du bruit. Ce sont bel et bien eux, les joueurs, aussi passionnés que n’importe qui. Et qui, à coups de cris sourds (oups !), de grognements, de trépignements, font un bouzin pas possible.
Des mois durant, Herbert leur a demandé de mettre une sourdine. Peine perdue. Le paroxysme a été atteint le soir du 18 février 2014. Herbert, excédé comme tout dormeur empêché de le faire, est allé chez ses bruyants voisins, a pris des photos. Le ton est monté, on en est un petit peu venu aux mains.
On a relevé quelques hématomes et contusions sur Herbert, rien de bien méchant. " J’avais un peu mal à la mâchoire ", dira le survivant en se massant le maxillaire inférieur.
Où l’on se rend compte que si les magistrats avaient pris la peine de se renseigner avant d’inscrire cette affaire comique au rôle, ils auraient épargné leur temps et l’argent des contribuables.
Car depuis l’altercation, nos amis se sont réconciliés. C’est ainsi que tous sont repartis en se tapant dans le dos après l’énoncé du verdict : quelques centaines d’euros avec sursis et ne recommencez pas, les petits !
L’avertissement n’est pas tombé dans l’oreille d’un… re-oups !