« Pendant mes vacances à la Réunion, j’ai ramassé
les déchets que je trouvais »
Originaire du Tampon, Laurent Dennemont vit à Bruxelles avec sa femme et ses deux enfants. En vacances sur son île, cet amoureux de la belle nature a décidé de prendre les choses en main : « J’ai décidé de faire ma part en ramassant, à chacune de mes sorties, les déchets trouvés sur la plage. Et je ne suis jamais revenu bredouille... »
Voici son récit, extrait de son blog Ma part du Colibri
« Parce que La Réunion est une île magnifique qui mérite d’être propre, il appartient à chacun de la préserver et de la nettoyer. Aussi je propose de lancer la campagne #cleanthebeach et #cleanLareunion où chacun poste les photos des déchets récupérés au fil de sa balade, en bord de mer ou en montagne... » C’est par cet appel lancé sur les réseaux sociaux que Laurent a débuté ses vacances de juillet – août 2015 sur l’île. Une saison riche en rebondissements :
« Ces dernières semaines la Réunion a été sous le feu des projecteurs après la découverte de débris de l’avion MH370, disparu dans l’océan Indien le 8 mars 2014. Au-delà de l’aspect improbable et cocasse, cet événement aura néanmoins eu le mérite de mettre en avant une problématique réelle sur l’île, à savoir la gestion de ses déchets !
En effet, sur ce territoire insulaire de 2 512 km2, soumis à une croissance démographique forte, les prévisions estiment à plus de 1 million le nombre d’habitants à l’horizon 2030. Chaque réunionnais produisant 666 kilos de déchets ménagers par an. Il faut savoir que tous ces déchets sont actuellement enfouis au cœur de 2 décharges géantes (Centres d’Enfouissement Techniques) déjà en sur-saturation et arrivant prochainement à échéance.
…
La réalité nous rattrape et la Réunion croule littéralement sous ses déchets. Les conséquences en matière de santé publique et d’environnement ne sont peut être pas encore suffisamment visibles, mais certains signes ne trompent pas :
Crise du chikungunya - Les multiples décharges sauvages à La Réunion favorisent les eaux stagnantes et par conséquence les foyers de prolifération des moustiques, vecteurs de la maladie.
Crise du saturnisme - Cette maladie, conséquence directe d’une exposition élevée au plomb a été détectée en 2009 dans un quartier du port. Des analyses de l’Agence de Santé de l’Océan Indien ont démontré une contamination élevée des sols en plomb. Nombre d’enfants habitant le quartier présentaient des taux plomb anormaux et des mesures ont du être prises pour sécuriser les lieux et les personnes y vivant.
En juillet 2013, des analyses de compost auprès de la CIVIS ont révélé des taux de plomb jusqu’à 4 fois supérieurs aux normes autorisées. La responsable environnement concluait à une contamination d’origine humaine.
- « Tout a été récupéré le temps d’une balade de 2 heures sur la plage vers Trou d’eau - la Souris Chaude... Après 2 sachets remplis j’ai du arrêter, ça devenait trop encombrant et lourd... »
Au même moment, en juillet 2013, un article publié sur le site Pressecologie à propos du projet citoyen BandCochon.re relayait le nombre hallucinant de 2 061 batteries recensées un peu partout sur l’île, disséminées dans la nature... Depuis, faute de soutiens et de moyens, les porteurs du projets, véritables "lanceurs d’alerte", ont dû jeter l’éponge, laissant un vide derrière eux, comme un goût d’inachevé dans le cadre d’un projet social et environnemental que l’on aurait dû décréter d’"utilité publique".
Crise requin - Même si les causes ne sont pas officiellement définies et circonscrites, il est probable que le facteur "déchets rejetés à la mer" et modification de l’environnement joue un rôle significatif dans la multiplication des attaques de squales ces dernières années.
Du 15 juin au 15 juillet 2015 a eu lieu une enquête publique sur le prochain Plan Départemental Déchets. Il est dommage que personne n’ait communiqué plus sur le sujet. Le Département de La Réunion, qui dispose d’un compte facebook n’a même pas trouvé pertinent de poster un seul article sur son mur... Il est vrai qu’il s’agit simplement de l’avenir des filières de traitement des déchets ménagers réunionnais. On parle ici d’investissements de près de 680 millions d’euros hors taxes et de choix de filières très controversées telles que l’incinérateur et/ou les Tri-Mécano-biologiques (TMB).
"Jeter dans la ravine", un héritage des comportements de nos parents ?
Je ne rentrerais pas dans une analyse socio-historique des réunionnais dans leur relation aux déchets, mais en deux mots, s’il était encore possible de jeter une série de déchets biodégradables dans la ravine dans les années 50, ce comportement n’est plus tolérable de nos jours, simplement parce la composition des déchets est différente et qu’elle est constituée essentiellement de plastiques et autres matières qui se décomposent en plusieurs centaines, voir milliers d’années. C’est à ce niveau que l’éducation et la prévention des déchets doivent être efficientes.
Bon, c’est bien beau tout ça mais qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Et bien on se retrousse les manches, on empoigne son seau et on ramasse les déchets sur la plage ! Sur que cela ne nous empêchera pas d’être ensevelis sous une montagne de déchets, mais au moins on aura des plages propres pour nos enfants et les touristes et la conscience tranquille du devoir accompli.
De plus, j’ai appris dernièrement que cela permettait aussi de sauver nos tortues et nos oiseaux marins ! En effet, ceux-ci ingèrent régulièrement des petits bouts de plastiques et autres déchets, qui leur bouchent les voies respiratoires et/ou le tube digestif... Résultat, ils meurent étouffés ou de faim. Alors si on peu leur éviter cela, c’est plutôt sympa !
Laurent Dennemont a 35 ans, il est père d’un garçon et d’une petite fille. Ce sportif et passionné de nature travaille à la commune d’Ixelles en Belgique.