• Le cyclone du 10 février 1829

     
    Le cyclone du 10 février 1829
     
    "C'en est fini du Barachois!" C'est par cette formule lapidaire que le correspondant à Bourbon pour le "Journal du Havre" résume la brutalité du phénomène à son retour en Métropole en mai 1829! L'île Bourbon n'avait plus connu de météore de cette ampleur depuis plus de 20 ans et le cyclone de mars 1806, réputé d'une extrême violence. Dans cette quiétude climatique, le déchaînement des vents a fait place à celui des opinions quant à l'épineux sujet de la traite des esclaves et dans le chef-lieu sur la nécessité ou non de construire un port à St-Denis. La question de l'esclavage ne sera pas tranchée avant 19 longues années, mais celle de l'avenir maritime de la coquette ville dionysienne l'a été quelques années auparavant avec le choix de construire une jetée dont la première pierre fut posée en 1819 par le gouverneur Pierre Bernard Milius, d'où le sobriquet de la jetée éponyme.
     
    Une jetée qui en jettent! Ahem désolé...
    Pourquoi vous en parler? Parce que la dite jetée longue de 80 m en 1829 va se voir brutalement amputée de 50 m en quelques heures en ce 10 février 1829! Les débris seront alors ramassés vers la côte formant un petit bassin appelé par la suite "bassin du Barachois". Or, vu la solidité de l'édifice, il a fallu une houle titanesque pour en venir aussi rapidement à bout! Donc, en un sens, ce fut effectivement la fin d'une certaine conception du Barachois qui connaîtra moult transformations jusqu'à nos jours.
     
    De cela, cependant , les centaines de marins qui s'affairaient à charger et décharger des marchandises et des hommes n'avaient pas conscience par cette suffocante journée d'été austral. D'après les manifestes retrouvés, une quinzaine de navires mouillaient en rade de St-Denis ce jour là, lorsque le clapot minéral des vagues sur le littoral commença à se muer en rugissement féroce. Les bâtiments les plus imposants eurent, pour la plupart, le temps d'appareiller en catastrophe pour rejoindre le large, mais la flotte locale plus modeste, ainsi que les chaloupes de débarquement, se retrouvèrent prises au piège. Les mâchoires aqueuses se refermèrent donc sur le littoral du chef-lieu soulevant une onde de tempête à nul pareil de mémoire d'hommes!
     
     
    Raz de marée en rade de St-Denis. L.A Roussin vers 1860
     
     
    Dans le nord-est tout d'abord, le pont de la marine * de Sainte-Marie fut réduit en charpie, tandis que les paquets de mer jaillissaient en de terribles gerbes par dessus le magasin de dépôt. Même scène d'horreur à Bois Rouge, à ceci près que des chaloupes furent disloquées par les flots qui vinrent même dérober la varangue du magasin pourtant situé à bonne distance du rivage. En ce qui concerne la côte sous le vent, les habitants eurent droit au classique débordement de l'étang à St-Paul ainsi qu'à l'échouage de plusieurs navires dont certains furent réduits à du simple bois flotté. Mais il semble que le plus gros de la vindicte océanique se soit déchaîné au Barachois où des témoins rapporteront par la suite des scènes invraisemblables. Ainsi, un navire de 30 tonneaux, alors en cale sèche sur un chantier naval, aurait été soulevé par les vagues avant d'être déposé sur le toit du corps de garde des douanes! Plusieurs bâtiments en dur , dont des écuries, l'abattoir et certaines maisons du Bas de la Rivière seront partiellement détruits voire pulvérisés sous les coups de boutoir écumeux. D'après le journaliste rapportant les faits, ce qu'il s'est déroulé ce jour à St-Denis défie l'imagination! A tout le moins, et en dépit du manque de données chiffrées, on peut en déduire que 1829 a connu la pire marée de tempête du XIXème siècle dans ce secteur. Concernant les vents, ils ont été moins violents qu'en 1806 déracinant néanmoins plusieurs arbres à St-Denis, couchant de faibles dépendances et écornant ça et là quelques toitures. Quant à la côte au vent et le Sud, ils semblent avoir été grandement épargnés tant par les rafales que par la houle cyclonique. A la Montagne et St-Paul en revanche... le vent semble avoir été particulièrement violent qui détruisant des sucreries et plusieurs bâtiments en dur , censément solides, qui ravageant les récoltes et tuant le bétail, qui tuant plusieurs "noirs"... de ces dernières tragédies nous n'aurons aucun bilan officiel, en tous cas dans les documents à notre disposition. L'époque était résolument et tristement différente hélas.
     
    "Le vent a détruit notre pauvre toiture et dans ma masure il a plu toute la nuit!" Dessin de Grimaud.
    A contrario, le compte rendu déchirant des pertes humaines chez les gens de la mer est lui sinistrement précis. Mais il ne sera établi que bien plus tard en 1876 par le capitaine de frégate Bridet, signe que le sujet resta longtemps sensible localement. Entre 19 et 22 navires sombrèrent ce jour là dans ce tumulte infernal et 259 marins et officiers périrent noyés. La liste est longue mais nous pouvons citer: Le Turquoise (53 morts), le Messager de Bourbon (24 morts), l'Apollon (19 morts), l'Aimable Créole (18 morts)... inutile de commenter plus avant, les chiffres parlent d'eux-même sur la tragédie. Si l'on ajoute les dizaines d'esclaves morts mais non recensés, le cyclone de 1829 est a minima le météore le plus meurtrier qu'ait connu l'île au XIXème siècle, voire le plus meurtrier de tous les temps . Une occasion de rappeler que la nature peut être impitoyable chez nous, et sans doute, si ce n'est toutes les recenser, au moins rendre hommage aux victimes de cette hécatombe oubliée. Sur une note plus factuelle, les informations parcellaires dont nous disposons laissent accroire que le système est passé au Nord Ouest de l'île. Quant à son intensité réelle et sa distance des côtes, elles demeurent pour l'heure dans les limbes de l'Histoire. Les dégâts relatés peuvent laisser inférer d'un catégorie 2 ou 3 (sur l'échelle de Saffir-Simpson), mais il n'est pas impossible qu'il ne se soit agit que des vents périphériques d'un cyclone bien plus puissant passé loin au large, ce qui expliquerait la violence de la houle. Mais ce ne sont là que nos supputations stériles qui n'ont aucunes prétentions scientifiques. Nous évoquons dans ce court article, une époque révolue, mais que cela ne vous autorise pas à relâcher votre attention à l'approche de la saison cyclonique. Nul ne sait jamais les mauvaises surprises qu'elle recèle. :)
     
    Navire dans la tempête
    *A l'époque, le pourtour de l'île était jalonné de plusieurs marines, c'est-à-dire des pontons plus ou moins sommaires où les chaloupes pouvaient débarquer même en temps de houle. Sources: *CRESOI, Bernard Leveneur Attaché de conservation du patrimoine Responsable du Musée Léon-Dierx,"Deux chantiers archéologiques pour l'exemple: le Camp du Gol et le Bassin du Barachois"
    3Daa7fe0596f952101941660fcfb8adcaed870abff%26file%3Dpdf%252F05.pdf&usg=AFQjCNHZ3whw4uePQsm-N61JtPo6l0No_Q&sig2=hDVyiRASPCFUW4nY8LuSnA&cad=rja * Le Mémorial de La Réunion, Australe Éditions, 1978 à 1981 . Réédition Orphie 2003. Tome II.   
    « Programme ce weekend aux pieds du volcan avec l'événementiel "Magma'gnifique".Coucou zot tout »

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